Recherche de sens...
"Au début", quand on a annoncé la probable libération conditionnelle de Michelle Martin, j'ai tiqué. Ma première réaction a été épidermique, je ne comprenais pas qu'une femme qui avait fait ce qu'elle avait fait (et je ne savais pas tout, je n'avais pas lu toute sa confession), condamnée à 30 ans de prison, sorte à la moitié de sa peine.
Bon, j'ai "intégré" le fait que les jurés de l'époque ont pu la condamner à trente ans de prison, en connaissance de cause, c'est-à-dire en tenant compte de la loi Lejeune, sur les libérations conditionnelles, assorties d'un plan de reclassement, avec un lieu d'hébergement à la clé (ah! Moi aussi j'aimerais aller au couvent, mais à Hurtebise !!! Et qu'est-ce qui m'en empêche, hein? Mon appart! Comme d'hab!)
D'un autre côté, je me demande comment certains peuvent se payer des pénalistes de renom, alors que je ne pourrais me payer qu'un avocat pro deo, en cas de pépin, et je n'ai ni tué ni volé ni violé, ni rien. Je ne sais même pas si j'aurais droit à un avocat pro deo!
Ensuite, je me suis dit qu'il y avait un problème. Si on dit "30 ans", ça doit être 30 ans, et si en réalité, on en preste 10 ou 15, pourquoi ne pas dire tout de suite "dix" ou "quinze" ans? Mais je sais que tout ça n'est pas si simple...
Par exemple, je ne suis pas du bord de ceux qui réclament une peine incompressible, et tout mon être se révolte, corps et biens, quand on évoque seulement la peine de mort. Je trouve qu'un des plus grands progrès humains est l'abolition de la peine de mort, même si cela a parfois amené des situations étranges (j'ai regardé quelques émissions "faites entrer l'accusé", où l'on abordait cette question à travers certains crimes particuliers -et histoires de criminels).
Maintenant, crier avec les loups, honnir les Clarisses de Malonne, traiter tout le monde de pédophile, non. En résumé, je suis nuancée. C'est parfois terrible d'être nuancé. On s'inscrit quasiment toujours en faux avec quelqu'un. Je ne hurle pas avec les loups, mais je comprends les réactions épidermiques, disons que je ne les comprends pas, mais j'admets qu'elles existent. Je ne suis pas sûre qu'elles soient judicieuses (peut-être se rapprochent-elles fort du - par exemple- "tous les chômeurs sont des paresseux"), mais je pense que beaucoup de personnes sont légitimement horrifiées par les crimes qui ont été commis sur les enfants et les jeunes filles, auxquels M. M. a contribué -activement.
Moi aussi, j'en arrive à la question du silence. Pourquoi s'être tue? Comment peut-on se taire? Comment peut-on tomber dans certaines situations? Comment peut-on arriver à vivre en sachant ce qui s'est passé, jour après jour, au quotidien? Moi, je me flinguerais, je crois. Je ne pourrais pas arriver à vivre avec ça.
Et je me demande, d'ailleurs, si l'absence d'expression d'un regret quelconque, n'est pas due au fait que, chez certains criminels (et/ou chez leurs complices, plus ou moins actifs), la douleur- serait énorme, insupportable, si seulement, ils réalisaient l'ampleur de leur(s) crime(s). Et finalement, il y a toujours cette question qui se re-pose, de quel côté préférerais-je me situer? Du côté de la victime? Ou du côté du bourreau? Je crois que j'aimerais encore mieux être du côté de la victime, même si dans le fond, j'aimerais surtout qu'il n'y ait plus ni victimes ni bourreaux...
Parfois, c'est effroyablement lourd, d'être un être humain.
Comment peut-on vivre dans un monde aussi beau, se sentir aussi bien, aussi légère, par exemple, quand on escalade un sentier arboré, dans le Brabant wallon, à 8 heures du mat' Un carton de lait de soja à la main... Et vivre au milieu d'une humanité aussi souffrante, aussi épouvantable... Et tout ça en se disant qu'il faut s'en accommoder, hic et nunc, parce qu'après la mort, pfffuiiiit !
Cela voudrait-il dire que seul, le hasard, qu'il nous soit favorable ou défavorable, régit tout (ou ne régit rien)? Quelle liberté nous est laissée, d'agir ou de ne pas agir, dans ce contexte? Et de nous en satisfaire, ou non?
Le débat est ouvert...