Sur le thème de l'île déserte
Ecrit pour les Impromptus littéraires:
"Pourtant, elle ne s’est pas mariée un vendredi, elle. Mais il pleuvait. Mariage pluvieux, mariage heureux ai-je peut-être entendu quelque part. Rien n’est plus faux. Et puis, ce n’est pas vrai, son mariage n’est pas désertique, même si l’assistance n’est pas nombreuse, car l’Hôtel de Ville et la Grand-place de Bruxelles regorgent de monde. Et comment oublier cette mariée au bouquet en forme de longue croix orange et verte, et qui ronchonnait dans la salle gothique ? « Déjà ! » t’exclamais-tu…
Parce que l’enchaînement des festivités pour sa noce accumulait du retard.
« Ou cela que furibond faute »
Et si l’on se mariait sur une île déserte, celui-ci aurait-il plus de longévité ? Ou durerait-il encore une moyenne de quatorze années, si tant est qu’on reste quatorze années sur une île déserte ? L’île déserte est le lieu du désenchantement et du courage, son mariage fut un lent désenchantement et chaque jour, il lui fallut réinventer le courage. Pour avoir juste un peu de courage. Celui de continuer jusqu’au naufrage, comme quoi, l’île déserte peut parfois précéder le naufrage. Et non l’inverse.
« A la nue accablante / Tu »
***
L’histoire de mon orage est un engloutissement.
« Le flanc enfant d’une sirène »
Et si je m’étais mariée sur une île déserte, pour rester dans le thème, mais l’exporter ailleurs, aurais-je eu des pivoines dans mon bouquet ? Ou au contraire, toute en tenue d’Eve, me serais-je vêtue d’un gigantesque ananas, de feuilles de bananier, de goyaves et de cristophines ? Et puis, aurais-je bombardé les invités-palmiers de copeaux de noix de coco à la place de riz long grain ? Après tout, la tradition se peut respecter partout.
Il n’est pas jusqu’à Vendredi, qui ne finira par débouler dans cette île-là, comme singes, loutres, caïmans, perroquets, toucans et martins-pêcheurs, dans la campagne de Maldonado, pour nous faire exploser de tous côtés, à la manière de fusées de détresse sur une flûte de la Royale…
« Quel sépulcral naufrage (tu
Le sais, écume, mais y baves)
(…) Abolit le mât dévêtu »
Paul BRIL, le port, (1617) - (c) galerie des Offices, Florence.