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6 février 2012

Prof un jour...

Tenir un blog confidentiel -pas fermé, non, mais pas référencé sur la page de canalblog ni sur google n'est pas la meilleure solution pour avoir du passage. Mais le passage garantit-il la qualité de la lecture? Lorsque je me penchais sur les mots clés qui amenaient des lecteurs à tel article, dans mon ancien blog (de pivoine blanche), j'avais par exemple 25 recherches des paroles de Tri Martorod... Avec des demandes de traduction du breton au français, parfois comminatoires, et j'en avais un peu marre.

Je participe à des consignes de blogs d'écriture en ligne, mais sans doute ne le fais-je pas avec assez de constance. Une consigne me plaît, mais le temps d'y réfléchir... D'écrire mon texte mentalement, de le jeter par écrit ou de le taper en word, puis d'accéder à ma boîte mail et d'envoyer le tout... Et la semaine est passée. Surtout que j'ai tendance à vivre (en vrai) le jour et à tapoter sur mon ordi la nuit. Cela n'arrange pas mon état zombiesque semi-permanent du matin et mon teint de papier mâché.

C'est bien la peine d'habiter la "campagne" pour être aussi blanche qu'un navet !

Alors ?

Les articles de type "culturel" ne sont-ils pas perçus comme rasoirs? Longs et rasoirs. Et suscitant peu de réactions (quelles réactions susciteraient-ils, d'ailleurs?) Je suis du type à m'enthousiasmer comme une folle quand je découvre des liens subtils entre les "gens", leurs oeuvres, l'histoire, petite et grande, mais qui est comme moi ?

Ne suis-je pas une blogueuse trop difficile ? (Fermée par exemple à tout ce qui sent sa "pensée positive", ses enfants indigos, et tout ce qui de près ou de loin touche le new age), je reste abominablement critique. J'ai aimé des blogs qui ont fermé... Ou qui sont en pause. Tristesse. Ce n'est pas de la tristesse, c'est du désenchantement. Il faut reconnaître que j'ai été longtemps aussi en pause. Une pause forcée, soit. Au moins était-ce mieux question hygiène de vie.

Et puis, me poser des questions est une seconde nature.

Et puis, comble des combles, avoir été un prof était une bonne chose, mais ne plus être prof: aucun intérêt... (Il y a beaucoup de profs dans la blogosphère). Enfin! Je prends mal le problème: le fait d'avoir échoué dans mon métier de prof, et pas seulement à cause de la nature des intérims, mais de mon caractère, reste un gros caillou sur lequel je bute encore. Pourquoi avoir choisi ce métier, alors que je savais, étant régente, que je tomberais systématiquement dans des classes de professionnelle ou dans l'enseignement spécial? L'enseignement artistique a été l'aristocratie de ma vie de prof - c'est d'ailleurs là que j'ai eu ma seule place ouverte (mais à raison de 6 heures, puis 7 heures / semaine), laquelle s'est fermée le 31 août 1984, l'horaire de 17 heures semaine promis passant à un autre professeur de français. Diplômé de l'Ecole normale Charles Buls (pas de Berkendael...) et ayant plus d'ancienneté que moi. C'était comme un effet de la guerre des réseaux !

Et pourtant, je n'avais pas une classe facile. Toute petite, toute petite, mais hallucinante.

J'avais une charmante anglaise de quatorze ans qui considérait que Toulouse-Lautrec était un grand couturier français qui avait délivré les femmes du corset.

J'avais une autre élève de quatorze ans qui est devenue photographe.

J'avais deux élèves, de seize ans, deux garçons, qui, à mon grand soulagement, sont entrés à l'armée à la rentrée de janvier 1984.

J'avais le fils d'un sculpteur - que j'ai mis à la porte, résultat, il poussait d'un côté pour rentrer dans la classe, je poussais de l'autre pour l'en empêcher, tout en continuant à donner cours. Je ne savais pas ce qu'était un B.S. (bulletin spécial dans l'enseignement de la Ville de Bruxelles, autrement dit: l'infamie !)

Et "coller" des élèves, ce qui à mon avis était une excellente solution revenait à me coller moi... D'ailleurs, est-ce que ça se fait encore? Est-ce que cela n'est pas considéré, à l'heure actuelle, comme anti-pédagogique?

J'avais un élève de dix-huit ans qui sortait du général et ne posait aucun problème.

J'avais un jeune Italien de seize ans qui n'en foutait pas une mais qui avait décidé de faire la mode (à Anvers). Je ne sais pas ce qu'il est devenu.

J'avais un vicomte qui n'en foutait pas une non plus (ami du fils du sculpteur et du futur styliste) et enfin, une esthéticienne de 22 ans, d'origine turque, qui était passionnée par tout ce qu'elle apprenait et qui dessinait merveilleusement bien. Un rêve d'élève! Et je ne me souviens même plus de son nom.

Je m'éloigne du sujet initial. Mais pas tant que cela. Quand je lis les blogs de profs enthousiasmés par le métier, pour lesquels enseigner (avec tout ce que cela comporte) est un véritable sacerdoce, je me demande comment il se fait que j'ai perçu la réalité de l'enseignement secondaire comme tellement négative. J'ai esquissé dans un commentaire ce qui c'était passé dans l'enseignement spécial. Que de souvenirs pressants, stressants, blessants.

Je me souviens qu'un jour, dans cette école, une prof ou une surveillante m'a signalé qu'une élève était punie et que je ne pouvais pas lui donner à manger à midi (il fallait la nourrir à la cuiller, car elle avait un handicap moteur et mental profonds). J'ai passé outre et j'ai nourri l'enfant car je trouvais cela du sadisme. Je ne sais pas ce qu'il aurait fallu faire pour qu'elle change de comportement, mais je trouvais qu'on ne pouvait pas l'affamer. Je me souviens avoir vu la puéricultrice (pendant un de ses jours de présence) nettoyer les vitres avec un Pampers. Un jour, j'ai pris un balai et j'ai balayé la classe, tant il y faisait sale. Une de mes élèves ouvrait les robinets du lavabo et se mettait à danser devant. Un jour, je leur ai amené un chocolat blanc. Ils ont adoré. Pendant les réunions d'équipe, le délégué syndical parlait de sa nouvelle voiture. Je n'avais pas de voiture. Les futures mères parlaient enfants, biberons, accouchements. Je n'avais pas encore d'enfant. Comme elles ne savaient plus "monter les escaliers", elles les descendaient néanmoins pour devancer le congé de maternité -calculé pour commencer en mars et se terminer juste avant les vacances ! Et je prenais les classes à l'arraché, en 3ème professionnelle, sans cahier, sans matière, sans préparation. Autant dire que j'allais au casse-pipe. Et ainsi de suite !

Lors de mon premier intérim, j'ai passé un mois à la comptabilité d'un institut technique de l'enseignement provincial. Le vendredi, j'ai discuté avec la prof dont je récupérais une partie d'horaire. Je devais travailler avec Actual Quarto. J'avais deux classes de 20 élèves, et seulement 20 Actual Quarto (Un digest de la presse, en huit pages jaune/noir, sur des sujets donnés, un peu comme le "Lage landen" et "L'english pages" de mon adolescence). La collègue m'a dit: démerdassek. Je suis allée à la Direction (on surnommait le directeur "l'homme qui disparaît plus vite que son ombre") et pour pallier la difficulté de devoir donner cours sans matériel, j'ai donné ma démission. J'avais vingt-quatre ans et je me souviens juste de deux phrases de mes élèves:

la première, ce fut "Hé Meï, on voit ton cul!"

la deuxième, ce fut -venant d'un élève en face de moi: "Et vous madame, vous êtes pour ou contre le nucléaire?

J'étais tellement anéantie que je n'ai même pas été capable de répondre à cet élève qui méritait une réponse. Des choses comme cela, je les regrette. Trois mois après, le délégué syndical de l'école m'a appelée, il avait eu vent que de jeunes diplômés avaient été cantonnés dans des travaux domestiques, pardon, administratifs avant d'être jetés dans l'arène, mais c'était un peu tard.

A Ceria, où l'on m'avait promis un horaire de prof de morale, je devais enseigner "être papa, être maman" et la sexualité et l'appareil génital aux professionnelles boucherie-charcuterie. La prof que je remplaçais a essayé de me convaincre qu'ils avaient besoin d'une information sérieuse. Je n'en doutais pas (moi-même, en avais-je sans doute besoin...) mais je ne me sentais pas de taille à donner un cours pareil ! Le premier jour de mon intérim, j'étais debout dans le salon -chez mes parents, en manteau et avec un verre de porto que ma mère m'avait donné pour m'insuffler du courage, mais c'était plus fort que moi, je n'ai pas pu. J'aurais dû me saoûler avec la bouteille !

Et puis, il y a tout le reste: mes deux intérims comme institutrice à la Ville de Bruxelles. Je me suis battue avec le système des réglettes de couleurs et de tailles différentes, qu'on utilisait pour enseigner les opérations aux enfants. J'ai passé des dimanches entiers à préparer mes cours de calcul. Un jour, oh la honte, un élève de je ne sais quelle année primaire a dû m'expliquer comment fonctionnait le sytème des additions avec des unités, des dizaines, les dixièmes, les centièmes et les millièmes après la virgule. Moi, je ne voyais rien de rien... C'est vrai que la pédagogie des maths n'est vraiment pas la même que la didactique pour les cours littéraires du secondaire !

reglettes

Mais j'ai des bons souvenirs aussi. Il ne faut pas croire. On ne savait jamais comment un intérim allait se passer. Cela pouvait mal commencer (recevoir des coups de pied dans les tibias quand on montait les escaliers; avoir des élèves, qui, systématiquement, avaient leurs règles entre 2 heures de cours, sans compter celles qui écrivaient des lettres d'amour à leur titulaire) et bien se terminer. Oui, malgré tout cela.

Tout cela est bien trop négatif.

S'il y avait un mouvement de "la pensée négative", j'en serais la papesse, assurément...

Pourtant, je jure que j'écris ici la vérité et que même si j'ai passé sous silence les expériences heureuses, j'ai aussi passé sous silence des moments encore pires que ceux décrits ci-dessus. Ou tout aussi décourageants...

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Commentaires
P
Et pour conclure, je t'embrasse, lol o:)))
P
Ceci dit, pour les ateliers d'écriture, je sais, c'est ça que j'aurais dû faire et/ou de l'alphabétisation -auprès d'adultes de toute façon, c'est ce qui me convenait. Mais l'offre est tellement énorme à présent... Il y a des ateliers d'écriture partout, avec chaque fois une spécificité bien précise. Aussi bien dans le Brabant wallon qu'à Anderlecht. C'est un train que j'aurais dû prendre quand j'étais encore mariée... Et à ce moment-là, mes initiatives étaient très limitées. Bref, j'ai loupé le coche, ce qui ne m'empêche pas de pratiquer des activités -autant que faire se peut- que j'aime bien...
P
J'ai tiré un trait définitif sur l'enseignement. Et depuis 2006 où j'ai fait une expérience de FLE, mais même ça n'a pas marché, j'étais beaucoup trop loin physiquement et nerveusement. Même des cours comme ce que j'avais au ministère, je ne saurais plus et pourtant, j'adorais ça... Ex, ayant perdu toute force dans les bras, je ne sais tout simplement plus porter une mallette. mais je n'en suis pas marrie, tu sais, il y a longtemps que j'en ai pris mon parti. Et puis, j'ai fait d'autres boulots qui me plaisaient autant voire plus, dans les publications notamment. Et là, avec le blog, je suis (presque) comblée.
P
Pour le panier de légumes, j'y songerai o;) ce serait assez amuant o;)))
P
Merci pour ta réponse circonstanciée, Anémone... (Je lis un livre qui s'intitule "Le cactus et l'anémone" en ce moment- un récit de vie). <br /> <br /> <br /> <br /> Bien sûr, ce que je dis de la pensée positive, c'est un clin d'oeil o;) c'est l'optimisme à tout crin qui m'énerve, les propos futiles, faciles à énoncer tant qu'on n'a pas de gros crac dans la vie. En même temps, chacun réagit comme il l'entend. Je n'aime pas non plus les personnes qui se transforment en gourou(s) -j'en ai connu(s), je crois que là aussi, tout est dans la nuance. <br /> <br /> <br /> <br /> Je sais que quand je flippe, ce qui me rattache à la réalité, par exemple, c'est de faire du ménage, de mettre de l'ordre. Après, je me sens mieux, je vois plus clair, et je vois directement les choses plus positivement. Le soir, c'est diffcile, mais écrire est gai aussi !<br /> <br /> Je sais que a
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  • Mes humeurs et humours, mes journées, Bruxelles et le Brabant wallon, mes coups d'espoir, mes hauts cris et les lendemains meilleurs d'une auteure pas tout à fait morte et d'une peintre apprentie... Dont l'apprentissage dure longtemps !
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