La rue des Pierres
La http://www.ebru.be/Streets/StrSteen.html
est perpendiculaire à la rue du Midi et au boulevard Anspach.
Longtemps, cela a été mon quartier des "délices"... Mais pas seulement.
La
rue des Pierres, c'était d'abord et avant tout la salle de "L'Ancienne
Belgique", une salle de spectacle et de cabaret mythique - où j'ai rêvé
d'aller, et où j'ai la chance d'avoir assisté au Bal de l'Académie, en
1987. Bal en long ou costumé, avec champagne, chars décorés, avec la
fanfare de l'Académie (c'était les architectes de l'Institut Victor Horta qui avaient créé cette fanfare), et lâcher de ballons.
Rue du Midi, il y avait aussi la Fileuse, magasin que ma mère adorait, (autant que celui dépositaire des Editions Boucherit, où elle se fournissait en patrons de couture),
elle qui a rêvé toute sa vie de broder des nappes, mouchoirs, draps,
etc. Et elle a fait quelques broderies, mais je m'éloigne, je
m'éloigne. Tout de même, à la Fileuse, j'ai aussi acheté deux
tapisseries à broder, telle Pénélope, que je voulais offrir à mes
neveux, l'une avec une chouette, l'autre avec des pingouins, (je dois encore terminer les pingouins! Au stade où cela va, ce sera pour mes petits-enfants!)
Et
il y avait un magasin de partitions musicales - des partitions
classiques, mais aussi, ce qui était plus intéressant, des partitions
de jazz, de chanson française, de rock. Sans doute y avait-il un ou
deux cafés aussi... Et, à l'angle de la rue du Midi, des objets d'art,
des plâtres pour les étudiants de l'académie, des reproductions de
peinture - mais là, c'est déjà un autre univers qui commence, celui de
l'Académie.
La charcuterie ardennaise est la première à avoir
fermé ses portes, vers 1973 ou 74. C'est vraiment dans ces années-là
que la physionomie de Bruxelles a changé, qu'une floppée de petits
commerces a disparu au profit des grandes surfaces. Adieu! Dessy... Et
autres temples des délices. Mais cela ne nous a pas empêchés, pendant
des années, d'y faire nos courses le samedi après-midi. Je me souviens
même des papiers d'emballage: un papier jaune craquant, et, au milieu,
une tête de sanglier au milieu d'un bois de sapins verts, le tout
entouré d'un large cercle rouge.
On y achetait des ficelles picardes (des crêpes farcies au fromage),
que nous réchauffions pour le "souper" du samedi soir, des pieds de
porc farcis, en gelée, du pâté truffé, des saucisses fumées à cuire
pour la potée et la choucroute d'hiver, du saucisson de la Loire, du
jambon à l'os, et sans doute d'autres spécialités. Le parfum de cette
charcuterie? Comment l'oublier? Il me semble qu'en fermant les yeux, je
pourrais encore le humer. Et la sensation de froid, en hiver, les
lumières, parce que le soir tombait tôt, la voix joviale de la
patronne, maquillée et bronzée en toutes saisons, ses sourcils dessinés
finement au pinceau. Et son tablier blanc impeccable...
Un peu
plus loin, c'était "la" charcuterie tchékoslovaque, et c'est plutôt là
que nous achetions "tout" pour la choucroute. Choucroute fraîche, avec
baies de genévrier, lard fumé à cuire, petit salé, saucisson de Prague,
et les saucisses de Strasbourg, mes préférées, fines, goûteuses et
craquantes sous la dent, et pas molles et sans goût comme les saucisses
de conserve. Et puis, c'était là aussi que nous faisions nos orgies de
boudin, à noël. Longtemps, les charcutiers se sont cantonnés dans le
boudin blanc aux truffes, et le boudin noir aux raisins, et puis, il y
a eu du boudin blanc aux noix, et aussi, aux choux.
Et c'est
là que se trouvait le fameux boudin que mes parents ont acheté le jour
de ma naissance... Ce boudin qui a présidé à ma naissance et que mon
père n'a jamais oublié.