Chez Lali...
1913. Comme la mode était vaporeuse!
John LAVERY.
J’étais, nous étions en vacances. En famille, dans un Palace niçois, au bord de la Méditerranée. Nous étions bien. Comme chaque année, nous avions délaissé la Russie et ses glaces pour un printemps plus clément et nous nous attardions, comme souvent.
Plus tard, nous irions dans l’arrière-pays provençal, dans la famille de maman -elle est d'origine française. Depuis des lustres, les du Fleuroy, cultivent les fleurs en grand. Je me souviens. Quand un ami de villégiatoire de mes parents, artiste de son état, fit une ou deux esquisses, pour ce portrait, je feuilletais un catalogue de parfums, rêvant de lavande, d'héliotropes, de prunes de Monsieur, d’orange douce et de citron. Je combinais des senteurs délicieuses, mais je ne croyais ni n'imaginais qu'un jour, l’occasion de développer cet art se présenterait à moi.
Je me voyais juste évoluant dans les salons de Saint-Pétersbourg et valsant, valsant... Dans un tourbillon de senteurs.
A ce moment-là, je ne pouvais prévoir 1914, les pertes humaines, la pauvreté. Bien sûr! Nous savions que nous étions souvent la proie du nihilisme et des attentats, bien sûr, il y avait la Sibérie et l'effroyable misère du peuple, mais de là à imaginer la Révolution, le renversement du souverain, l’exécution des grandes-duchesses, les massacres, la fuite éperdue, ni qu’un jour nous nous réfugierions ici…
Ici, au soleil, certes, mais loin, si loin des couleurs fauves, du sifflement des locomotives, des bouleaux, et des loups de mon pays.
Ecrit pour la rubrique hebdomadaire "En vos mots",
chez LALI.