De Malines à la rue Pachéco et à la Marolle...
Il y a quelque temps, j'allais en train à Gand. En regardant défiler la campagne flamande, depuis mon train flambant neuf (ou presque), je pensais à ceci:
Cela se passe en 1859, ou avant.
Rose quitte, comment? Et dans quelles circonstances? A quel âge? Et pourquoi? La maison de ses parents, dans la campagne malinoise, pour Bruxelles. Comment a-t-elle bien pu faire la route? En carriole, du village à Malines, puis en train, (ou en diligence, en chaise de poste?), de Malines à Bruxelles? En troisième classe? Seule ou accompagnée? Avec quel bagage? Que faisait-elle, avant ? Sans doute travaillait-elle déjà à la journée. Très tôt, les enfants se louaient "à la journée", pour les travaux agricoles saisonniers. Et la révolution industrielle, en faisant évoluer la nature du travail, n'en fait pas pour autant évoluer les conditions.
En ville, donc, cela ne va pas beaucoup différer, elle va aussi travailler à la journée, comme simple femme de ménage. On disait parfois "souillon". Plus tard, elle sera cuisinière ou femme de chambre, elle déménagera très souvent, tout au long de sa vie, et sur son acte de décès, son dernier métier mentionné sera "plumassière".
Je n'ai aucune idée de qui elle était, de ce qu'elle aimait, tout ce que je sais, c'est qu'en 1859, elle tombe enceinte, (avant son départ à Bruxelles ou lorsqu'elle vit dans la capitale?) et qu'elle accouche d'un petit Jean-Baptiste, en 1860. Il porte le nom de sa mère. Elle accouche dans une petite maison de la rue Pachéco, les témoins sont la sage-femme, et sans doute une tierce personne... La rue Pachéco -et son ou ses impasses- n'existe plus, elle a été engloutie, dans les années 60-70, par le boulevard Pachéco, le tunnel qui passe sous "Le Botanique", et le Passage 44.
Qui est le père? Un autre domestique?
Un inconnu? Un homme de rencontre? Le patron? Ou le fils du patron ?
En tout cas, six ans plus tard, elle se marie, avec un certain François, "cocher de maître", domicilié au boulevard de Waterloo (dans un hôtel de maître qui devait occuper un coin du boulevard et qui a également disparu). Il reconnaît l'enfant et, en l'adoptant, le légitimise. Et il lui donne son nom. Lui vient du village de Zarlardinge, du côté de Grammont. Je suis allée dans ce village, rien que pour voir, pour me rapprocher de ce François qui avait donné un avenir à mon arrière-grand-père maternel. Mais faute de savoir où aller, je me suis cantonnée à la place principale du village, à l'église et au monument aux morts. En effet, je ne sais pas où il a vécu, avant d'aller travailler et vivre à Bruxelles.
Et ils se marient au plus fort d'une des pires épidémies de choléra, à Bruxelles, l'été 1866. Voici ce que Wikipédia en dit: "quatrième pandémie (1863-1876) : elle touche l'Europe du Nord, la Belgique en 1866, puis la France, l'Afrique du Nord et l'Amérique du Sud."
Ceci me rappelle une réflexion de Marguerite Yourcenar - je ne me souviens plus qu'imparfaitement des termes - placée au début de la trilogie des "Souvenirs pieux", des "Archives du Nord" et de "Quoi? L'éternité". L'idée est à peu près celle-ci: Quel était le visage de vos parents -et de vos grands-parents, avant que vous ne veniez au monde? Et c'est ce qui lui fait écrire l'histoire de sa famille maternelle, les Cartier de Marchienne, puis de sa famille paternelle, les de Crayencour. En partant de l'époque la plus reculée, à Flémalle-Grande et au Mont-Noir, pour aboutir à sa naissance, avenue Louise, en 1903.
Citation exacte: "Epitaphe :’’ quel était votre visage avant que votre père et votre mère se fussent rencontrés ?’’ Koan Zen - Source: http://fr.shvoong.com/books/biography/2224308-souvenirs-pieux/#ixzz1l5PkZbm8 "