Sympathie
Mallarmé, pour gagner sa vie, était professeur d'anglais.
Mallarmé, professeur d'anglais en France. Peut-on imaginer cela? Aujourd'hui, cela paraît fou.
Il a enseigné - notamment - au lycée Janson-de-Sailly, mais avant cela, il a eu des postes un peu partout en France. Il souffrait. Il est question de chahuts, dans son parcours biographique. Je peux imaginer ce que cet homme sensible, écrivant et s'intéressant passionnément à la littérature (et à l'art) a pu vivre avant la reconnaissance littéraire - par ses pairs, il n'est pas question de gloire à ce moment-là.
La difficulté d'assurer des postes difficiles. De tenir tête, d'année en année, à des classes éprouvantes.
Il rentrait chez lui et devait préparer des cours, effectuer des corrections, bref, le labeur d'un professeur, avec un enfant en bas âge. Il avait perdu sa soeur très jeune, sa mère encore plus jeune, et il a perdu son fils beaucoup trop tôt. Il a mené une existence bourgeoise (beaucoup plus petit-bourgeoise que Verlaine par exemple...) mais pas très heureuse. On s'étonne moins, du coup, (même s'il ne faut pas verser dans le biographisme), de ce vertige de la page blanche, dans sa poésie, de ce fameux papier "que la blancheur défend", qui faisait sourire un peu les potaches du XXème siècle.
Etudiante, j'aimais bien Mallarmé, particulièrement "Soupir" et ...
" A la nue accablante tu
Basse de basalte et de laves
A même les
échos esclaves
Par une trompe sans vertu
Quel sépulcral
naufrage (tu
Le sais, écume, mais y baves)
Suprême une entre les
épaves
Abolit le mât dévêtu
(...) "
Confidence pour confidence, quand je me rappelle l'époque lointaine de mes intérims (mais pas si lointaine que cela pour deux intérims), et si je devais mettre un mot sur ce que je ressentais, avant d'aller au charbon (ou à l'abattoir), il n'y aurait qu'un seul mot : la trouille. Au point que j'avais la trouille de ma propre trouille.
Curieuse idée de choisir l'enseignement quand on est la plus grande trouillarde de l'univers...
Bon, et pour couronner le tout, je ne suis même pas Mallarmé !
Et je ne suis même pas une blogueuse d'envergure... (qui écrirait peu mais bien)
Même pas une lectrice exceptionnelle! (Je ne lis pas que Suétone...)
Encore moins une philosophe. (Il suffit que je suive un cours de philo pour tomber sur Descartes, Kant ou Hegel).
Pffff !
Au secours ! Kevin et Allison !!!