Moi je...
Moi, je. J'étais heureuse dans la Belgique de "papa".
Moi, je. J'avais pas de problèmes d'emploi, les gens que j'aimais non plus. Pourtant, dès 1971, lors de son transfert à Hoboken (près d'Anvers), mon père s'est heurté au flamingantisme d'un chef de bureau. (Le dit chef est mort depuis longtemps, mon père non). Mais on avait un si magnifique jardin; on pouvait aller à l'école sans chahut ni mixité (et du coup, on pouvait militer pour avoir la mixité - et donc les chahuts et les migraines du jeudi qui leur sont consubstantielles), on partait en vacances, on n'avait pas la télé, on pouvait passer les soirées d'été dehors, jusqu'à la nuit tombée et observer le vol des chauve-souris dans le crépuscule. J'adorais ça. Il y avait encore des trams standard (et la petite gare en bois des lignes de tram 24 et 25 près du Bois de la Cambre). Il y avait même mai 68, Woodstock, les Beatles, la paix au Vietnam, bref, il y avait des raisons d'espérer, quoi? Je me le demande! Même si les choses étaient sans doute mal barre pour beaucoup.
Et pourtant, le ver était largement dans le fruit.
Et la fin de la Belgique de papa, programmée.
Programmée depuis longtemps, d'ailleurs.
C'est drôle, aujourd'hui, la chambre des représentants devait débattre (de) et voter la loi contre le port de la burkah. Beaucoup de journalistes étrangers se trouvaient à Bruxelles (dans mon ancien quartier) pour couvrir l'événement. Manifestement, ils ne s'attendaient pas à tant d'effervescence concernant la scission de B H V. Bon, je veux bien, on lâche B H V et les francophones de la périphérie. Mais après? Qu'est-ce qui va venir après? La scission de la sécurité sociale?
Or, la Sécurité Sociale - c'est ce qui -fondamentalement- a permis à l'Europe de vivre en paix après 1945. C'est un des plus grands progrès humains occidentaux. Un jour, à l'Orbem, une déléguée m'a dit: si vous ne connaissez pas le néerlandais et si vous ne pouvez pas l'apprendre (mais j'ai essayé de l'apprendre de mes 8 à mes 40 ans - même dans un énorme bouquin de chez Mercator sur les peintres de Laethem-St-Martin - au point que j'avais des bonnes cotes en néerlandais, ô miracle!), "eh bien, allez vivre en Wallonie..." - Mais où en Wallonie? Et chez qui ? Qui voudra d'une réfugiée bruxelloise, de ses livres en langue morte et de ses chats pisseurs? Je ne me vois pas habitant Lasne (prononcez "Lèène" avec un 'e' muet au bout).
Pourquoi suis-je née belge ?
Si mon grand-père et sa famille, en 1918, (puisqu'ils avaient dû quitter Houplines, entièrement détruite), étaient allés s'installer en France, au lieu de Bruxelles, peut-être que ma vie aurait été différente. Peut-être aussi que je n'aurais tout simplement pas existé puisque je suis née du mariage d'un valeureux jeune soldat français (de l'armée Leclercq?) avec une jeune bruxelloise francophone avec pas mal d'ascendants néerlandophones... Bref, une vraie "zinneke" !!!
Je suis de mauvaise humeur. Tout ça me met de mauvaise humeur. J'ai sans doute tort d'être de mauvaise humeur. L'important est que j'aie moins mal (mais après les JT, la douleur s'est brutalement réveillée et j'ai littéralement englouti anti-inflammatoire, anti-douleur et décontracturant, et vitamine B).
Tout ça pour dire que dans la Belgique de papa, j'étais heureuse et je n'avais pas mal...
Enfin, pas trop mal, moins que maintenant.
Mais on s'en fout.
Demain, je réunis mes toiles, cadres & carnets de croquis et je vais chez mon amie M. pour l'accrochage.
Et samedi & dimanche, j'expose.