Chez Lali, "tout simplement" ...
Ecrit pour la rubrique "En vos mots", de Lali.
C’était du temps où les trains arrivaient à l’heure.
Il pouvait y avoir un marchand de journaux, quelques romans de gare, une buvette, où boire de la citronnade chaude. C’était du temps… Et elle rêvait à la jolie locomotive miniature, en acier rouge et noir, aux tenders, aux wagons de sa collection, vieux trains belges vert bronze, Trans Europ Express, lourdes locomotives américaines, pourfendeuses de l’Ouest…
C’était du temps! Impossible d’imaginer le temps de la vapeur! Si, mais si bien sûr! Lors des Festival Vapeur. Mariembourg-Treignes, Chimay, Virelles… Sous la pluie et dans le vent, dans une multitude d’escarbilles dansantes au goût de brûlé. C’était du temps des autorails et des Picasso, c’était, plus loin encore, du temps de la Rätische Bahn, la jolie ligne ferroviaire et montagnarde à voie métrique.
C’était du temps où les trains arrivaient à l’heure? Peut-être. Ou peut-être pas! Après tout, on ne sait pas. Mais en ce moment, tandis qu’elle repliait ses affaires et rangeait son livre dans son sac, le panneau annonçait que c’était fini: le train n’irait pas plus loin qu’Ottignies. Celui de Bruxelles venait d’être supprimé et il était impossible de rallier son village que recommençait de recouvrir entièrement une fine pellicule blanche. « Cet hiver qui n’a pas de fin… » – Cet hiver de fin du monde, de désespoir total, qui la pousse à s’enfermer chez elle, pour n’en plus bouger. Enfin, ça, c’est ce qu’elle fera si elle parvient à rentrer un jour chez elle!
En attendant, elle était là, au milieu de nulle part, alors, au hasard, elle allait monter dans un omnibus pour Gembloux, descendre dans un petit bled à quelques kilomètres de la Nationale 4, Mont St Guibert, Blanmont, Chastre… Et tâcher d’aller chez des amis, qui la reconduiraient, peut-être, chez elle… Oui, elle était jolie, cette peinture, près de la petite gare, des usines désaffectées, accrochée chez le libraire, avec le wagon miniature qu’elle offrirait au petit Robin.
Mais là, avec ses écharpes, ses gants, son sac en toile et ses bottillons, on était le 23 mars, les trains étaient paralysés et elle avait définitivement froid.